Pour faire suite à la sortie de leur livre respectif, Sylvia Fredriksson (Petit Manuel de démocratie énergétique) et Victor Guégan (Après la typographie, imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques), tous les deux également enseignants à l’ESAD Orléans, sont les invités de la table-ronde organisée le mardi 23 septembre par l’école dans le cadre de la France Design Week. Modération : Dominiq Jenvrey.

Sylvia Fredriksson / Petit Manuel de démocratie énergétique (Éditions du Commun, avril 2025)
Par nos modes de production, de distribution et de consommation énergétiques, nous façonnons nos existences, nos cultures et nos institutions. L’énergie agence et ordonne nos sociétés autant que les sociétés modèlent nos relations à l’énergie.
L’urgence écologique recompose le paysage des acteur·ices qui s’emparent des enjeux énergétiques, les engageant dans des alliances inexplorées et de nouveaux rapports de force. Par-delà les débats qui se tiennent dans les sphères médiatiques et dans les arènes expertes, par-delà les ajustements techniciens conditionnés par les agendas politiciens et le fonctionnement de la machinerie énergétique, comment pouvons-nous – en tant que citoyen·nes et habitant·es – nous emparer des enjeux énergétiques de l’époque ?
La constellation de récits qui se donnent à lire dans ce Petit manuel défend des interprétations élargies de la notion de communauté énergétique en la rattachant à des formes démocratiques de réappropriation politique de l’énergie. Tant dans leurs formes que dans les portes, les sorties et les passerelles qu’elles dessinent, ces expériences ouvrent des voies praticables pour « inventer par-le-bas des bouts de futurs ». Ici se joue une fabrique du droit des communautés.

Victor Guégan / Après la typographie, imprimerie industrielle et avant-gardes artistiques (Éditions B42, mai 2025)
Cet ouvrage traite de la révolution graphique impulsée par des artistes avant-gardistes de l’entre-deux-guerres, principalement en Allemagne (Herbert Bayer, László Moholy-Nagy, El Lissitzky, et plus tard le Suisse Max Bill), sous l’angle inédit de la typographie. Si l’incursion d’artistes dans l’imprimerie a été documentée en histoire de l’art, l’inverse est sujet à débat : comment interpréter, dans la longue histoire de l’imprimerie européenne, cette incursion dans le domaine jusqu’alors relativement fermé de la conception d’imprimés ? Victor Guégan invite à percevoir cette » Nouvelle Typographie » avant-gardiste comme la tentative d’une réforme esthétique et industrielle, après que le procédé originel de l’imprimerie a été supplanté par des techniques d’impression à grand tirage comme l’Offset. Une lecture attentive des sources écrites de la première moitié du XXe siècle, en particulier celles du typographe Jan Tschichold, suggère que les règles de composition mises en place par ces » nouveaux typographes » s’appliquent en particulier aux processus de conception et de fabrication en série qui utilisent un nouveau matériau reproductible : la photographie. A travers cet ouvrage, Victor Guégan montre également que le phénomène de dématérialisation de l’écriture et de l’image observé aujourd’hui, souvent associé à l’émergence de l’ordinateur, a en réalité une origine historique plus lointaine : la volonté de faire disparaître toute trace des interventions manuelles, des outils et des matériaux utilisés dans les artefacts produits. L’industrie de masse met ainsi en tension une des idées fortes du modernisme : qu’un objet ne soit formé qu’ en se conformant uniquement aux conditions matérielles de sa production.